
En 2010, après la décision du Tribunal Constitutionnel de modifier les compétences du nouveau statut d’autonomie voté en référendum par les Catalans en 2006, un sentiment d’incompréhension s’était déjà développé en Catalogne: l’acte le plus visible en avait été la manifestation du 10 juillet 2010 qui rassemblait un million de personnes. Il s’agissait alors d’une manifestation de refus .S’ensuivirent en novembre des élections donnant la majorité à CiU dont le programme s’articulait autour de l’obtention du « concierto economico » comme dernière opportunité d’une relation aimable avec l’Espagne.
Mais, le non-respect de pans entiers du nouveau statut, l’invasion systématique de nos compétences juridiques, le non-paiement des dettes de l’État, la non-réalisation ou l’arrêt d’infrastructures accordées ont provoqué l’exaspération de la population. A quoi il faut ajouter la tentative d’abroger le modèle d’immersion linguistique dans les écoles. La crise économique espagnole a surtout mis en lumière le pillage de l’effort fiscal des Catalans par le reste de l’Espagne: bon an mal an, entre 16 et 20 milliards s’évaporent des comptes catalans vers une « solidarité forcée » avec les régions espagnoles affligées d’un déficit fiscal sans fin.
Toutes ces questions ont amené le peuple catalan à considérer que continuer à vivre sous domination espagnole comportait plus d’inconvénients que d’avantages,et qu’il était temps d’avoir notre propre État Catalan en Europe. Les Catalans pensent aujourd’hui, chiffres à l’appui, qu’avec une Catalogne indépendante ils vivraient mieux.
Artur Mas évoque « la transition nationale catalane ». De quoi s’agit-il ?
En fait, il s’agissait au départ d’avancer des positions chaque fois qu’un consensus social voyait le jour, faire un pas en avant : le pacte fiscal, le fédéralisme, l’asymétrie … Mais,face aux refus de Madrid,le peuple et aussi la majorité politique ont accéléré le rythme. Aujourd’hui,il s’agit du chemin à parcourir entre maintenant et le moment de l’indépendance.
Comment franchirez-vous l’obstacle espagnol, fermé à la seule idée de l’autodétermination des Catalans ?
Il est vrai que la Constitution ne permet pas le droit à l’autodétermination, mais il est vrai aussi que la volonté majoritaire d’un peuple exprimée démocratiquement ne peut pas être ignorée. Nous sommes dans un cas de choc de légitimités ! Nous allons créer à partir de nos institutions actuelles des structures d’État : fiscalité propre, relations internationales, etc… Le non-respect du mandat du Parlement Catalan sur le pacte fiscal a mis fin à la législature. Le Président Mas a convoqué des élections pour le 25 novembre, celles-ci auront un caractère plébiscitaire car tous les partis partisans d’un État porteront dans leur programme la proclamation de cet État.
Il a déclaré que « l’heure de l’autodétermination était arrivée » ainsi que « cette fois-ci c’est le peuple Catalan qui s’exprimera et non pas le Congrès des Députés espagnol»
Il a affirmé aussi qu’un référendum sera organisé, avec l’accord du pouvoir central, dont on proposera à Madrid d’en discuter des modalités ou bien il sera ténu de toute façon sans leur permission.
Cette nouvelle étape dans la vie collective du Peuple Catalan sera donc traité conformément au Droit International, par un référendum où une majorité aura à répondre à une question claire et précise : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État Catalan dans le cadre de l’Union Européenne ?»
Aujourd’hui le « problème » catalan n’est plus un problème interne espagnol, mais un problème européen et international.
Comment aborderez-vous le processus d’intégration de l’État catalan à l’Union Européenne?
Il n’y a pas de précédent dans l’Union Européenne d’un territoire d’un État membre qui se sépare de l’État auquel il était intégré. Nous sommes conscients des difficultés qui nous attendent, mais optimistes car nous sommes sûrs que l’UE ne voudra pas «expulser» un État qui produit un excédent fiscal de 10 à 12 milliards par an et qui possède un endettement de seulement 23% du PIB. L’« expulsion » d’une économie prospère comme la catalane serait un très mauvais signe pour l’Euro ! Passées les premières réactions espagnoles, chacun devra accepter le choix des Catalans.
J.Vera membre du Comité Exécutif National de CDC

