L'Histoire, la géographie et la mentalité collective de la Catalogne du Nord sont rarement enseignées à l'École. Le système éducatif préfère une vision tronquée exempte de proximité. Le Bloc Català, soucieux de progrès et de connaissance, présente ici quelques fondamentaux déterminants pour la compréhension de la Catalogne du Nord actuelle.

La Catalogne du Nord, ou Catalogne Nord, est un pays méditerranéen et pyrénéen de 4116 km² qui partage une histoire commune avec la France depuis 1659. Le nom "Catalogne Nord" est commandé par la partition de la Catalogne et l'instauration de la frontière France - Espagne. Ce nom moderne est apparu dans les années 1925 pour répondre à un besoin de définition collective, avant d'être relayé par le mouvement culturel nord-catalan au cours des années 1970 et 1980, puis de rejoindre le langage commun, en particulier dans le territoire concerné.

La Catalogne Nord jouit d'une position contrastée, située à la fois à l'extrême Sud du territoire français et au Nord de la Catalogne. Cinq régions la composent : ce sont les "comarques", dénommées Rosselló (Roussillon, autour de Perpinyà - Perpignan), Vallespir (autour de Ceret), Conflent (autour de Prada - Prades), Cerdanya (autour de Font-romeu) et Capcir (autour de Els Angles / Les Angles). Les villes et les villages de la Catalogne Nord témoignent d'un vécu et d'une organisation économique, sociale et culturelle, mêlés par mille ans d'Histoire. Perpinyà / Perpignan est la ville principale de la Catalogne Nord (109.000 habitants).

La Révolution Française a imaginé le nom exotique de "Pyrénées-Orientales", en joignant aux Comtés catalans du Nord une partie languedocienne appelée Fenolhedès (Fenouillèdes, autour de Saint-Paul de Fenouillet). Le code napoléonien lui a collé le numéro 66 dans la liste des départements français. La Catalogne Nord se résume aussi en "Roussillon", (dénomination réductrice, qui exclut deux tiers de son territoire) dans la région administrative du "Languedoc-Roussillon", créée en 1962, avec la ville de Montpellier pour capitale.

PLUS DE 3 SIÈCLES D'ISOLEMENT

L'histoire de la Catalogne Nord diffère de celle de la Catalogne "Sud" depuis la signature du Traité des Pyrénées, conclu, en 1659, entre les monarchies française et espagnole. Par celui-ci, le Royaume de France annexait et occupait la région de naissance de l'identité catalane, séparant les populations de part et d'autre d'une frontière improvisée. Ainsi, les royautés de France et d'Espagne mettaient fin à leur guerre de succession, au mépris des Catalans, dans le sens des diverses conquêtes soutenues par l'expansionisme et par l'absolutisme. Le premier coup porté à l'identité catalane est l'interdiction de la langue, l'an 1700, par Louis XIV, qui annoncera de la sorte une politique d'assimilation progressive au Royaume de France. Au fil de l'Histoire, cette politique sera relayée par les différentes républiques françaises, paradoxalement inspirées par le principe d'égalité, auquel s'est ajoutée, au XXème siècle, la notion de Droits de l'Homme.

L'économie nord-catalane, pré-industrielle et agricole, sera fortement lésée par un statut de "Province réputée étrangère" instauré par le France jusqu'en 1780, avant l'annexion renforcée. Coupée net de sa continuité naturelle (la Catalogne "Sud"), traditionnellement moins liée au Nord, la Catalogne Nord s'affaiblira, et, postérieurement à la Révolution Française, commencera à obéir à la logique française, par le découragement des initiatives, l'assistance de Paris et l'inscription dans une région Sud française progressivement cantonnée à un rôle balnéaire.

UN AVENIR À CONSTRUIRE

La Catalogne Nord comprend 400.000 habitants en 2002. Son identité, pétrie par l'appartenance au Sud et par l'influence nordiste, permet à des femmes et à des hommes de toutes origines de se retrouver autour d'un véritable ciment social, bien au-delà de la pratique de la langue, elle-même menacée par l'absence de statut.

Des clichés dévalorisants se sont développés à l'égard des habitants de la Catalogne Nord, affublés de caractères variés dignes des grands mépris manifestés par les dominants. Dans cette logique, de nombreuses Catalanes et de nombreux Catalans, souvent peu connaisseurs de leur Histoire, ont lutté contre leur propre identité dans le but de réussir leur parcours. Aujourd'hui, cette "honte d'être Catalans" trouve son pendant dans le slogan rugbystique des années 2000 "Fiers d'être Catalans". L'identité catalane, "éloignée" du Sud, et attirée, par force, par le Nord, a trouvé un chemin au-delà des systèmes politiques et des périodes historiques.

Les épreuves du XXème siècle, en France et en Europe, ont largement porté atteinte à l'identité catalane, la "catalanité", socle de l'organisation économique, sociale, culturelle et symbolique de la Catalogne du Nord. L'éloignement des cellules grises de leur lieu d'origine, le centralisme et la perte de dynamisme, les évolutions accélérées et l'avènement du régime touristique ont placé en second plan la personnalité du pays. Les nouvelles échéances européennes, les évolutions françaises et la volonté d'exister offrent néanmoins une nouvelle chance à la Catalogne du Nord.

La logique européenne prend tout son sens en Catalogne du Nord, où la nature profonde du pays et sa situation géographique retrouvent une dimension très ancienne, et pourtant nouvelle. À l'image de l'euro, qui a éclairci l'économie en effaçant les vieilles différences entre états, les habitants de la Catalogne du Nord sont tous concernés par les évolutions du présent, comme tous les frontaliers européens.

La Catalogne Nord, ce pays qui est peut-être le vôtre, par le lien du cœur, par celui des ancêtres, par celui de la terre ou par le fruit du hasard, mérite un avenir réfléchi, porté par un projet durable, dans la tolérance et dans l'ouverture qui caractérisent sans défection le peuple catalan.

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